Bédéiste québécois résidant dans le quartier Ahuntsic, Michel Rabagliati est devenu célèbre grâce à son personnage et alter ego «Paul». Toujours limpides, les titres de ses albums comme Paul à la campagne ou Paul à Québec, abordent en fait des sujets bien plus complexes comme la mort ou la vie de couple, le tout teinté d’une pointe d’humour. De quoi certainement réconcilier les adultes et la bande dessinée.
Déjà lauréat de nombreux prix au Québec et dans les alentours, son talent est maintenant reconnu jusqu’en France. Michel Rabagliati fait partie de la sélection officielle du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Un des plus grands évènements du monde de la BD, qui se déroule du 28 au 31 janvier. Entretien.
Vous faites partie de la sélection officielle du festival d’Angoulême pour l’album Paul à Québec. Vous avez déjà gagné de nombreux prix, mais en quoi celui-ci serait différent pour vous?
Ca dépend de l’ampleur du festival. C’est l’un des plus anciens. Il a grossi, et est devenu le plus grand festival de BD du monde. Ici, il n’y a rien de tel. Le simple fait d’être sélectionné est déjà un événement en soi, car il n’y a jamais eu de BD québécoise à la sélection officielle. C’est le fun de voir qu’il y a une bande dessinée québécoise qui a passé la barrière.
Parlons un peu de votre parcours. Vous avez travaillé dans le graphisme, l’illustration publicitaire et éditoriale. Comment êtes-vous finalement arrivé à écrire votre première bande dessinée?
C’est un rêve que je caressais depuis que j’étais enfant. Dans les Cégeps graphisme, tous les gars ont envie de faire de la BD, et les filles des contes. Ici au Québec, au niveau éditorial dans la BD, il n’y a plus grand-chose. Il n’y a plus rien pour publier une page ou deux dans un journal. Maintenant, il faut tout de suite faire un grand livre. Et ça demande de l’énergie. Il faut du courage. Et puis, l’illustration est un métier très créatif, je me suis beaucoup amusé dedans. En 1998, je me suis remis à la BD, car j’y pensais encore.
J’ai bien fait d’attendre, d’être mûr, peut être d’avoir un enfant. C’est dans le quotidien que j’ai trouvé mon inspiration: la vie de couple, les enfants… Mes BD sont très terre-à-terre, très Québec, quasiment très Ahuntsic. J’aime rester près de chez moi et montrer ma ville. Je suis admirateur de ma ville.
Vos Bandes dessinées ont été traduites en anglais, en espagnol, en italien, en néerlandais et en allemand. Travaillez-vous sur certaines de ces versions?
Je contrôle l’anglais avec une traductrice. Je relis ce qu’elle fait. On s’amuse ensemble, avec l’anglais. Mais les autres non, je laisse aller. Les éditeurs travaillent à partir de la BD anglaise, cette version est déjà tournée vers l’international, donc il n’y a pas de problèmes de compréhension.
Cela vous étonne-t-il que les aventures de Paul, très ancrées dans le Québec, parlent aussi à des Espagnols, des Néerlandais etc.?
Non, parce que les sujets sont universels. Par exemple, l’album Paul à un travail d’été parle des colonies de vacances. Il y en a partout. Quand ça devient plus québécois, peut être que c’est moins évident. Sinon les sujets sont universels comme la perte d’un proche ou la grossesse. Des sujets bien banals et d’intérêt général.
Les titres sont toujours très simples aussi, pourquoi?
C’est un gag avec les Tintin et les Martine. Les titres des BD étaient souvent comme ça dans les années 1950 et 1960, très premier degré. Mes lecteurs ont compris. Ce ne sont pas des livres pour enfants, c’est un peu trompeur. Par exemple, l’album Paul à Québec, ne raconte pas l’histoire de Paul qui se balade à Québec, c’est plus complexe que ça.
Vous avez illustré la pochette du dernier CD de Mes aïeux intitulé La ligne orange, vous continuez donc à pratiquer d’autres activités?
Je ne prends officiellement plus de commandes en illustration. Je suis à un tournant de ma carrière. Il y a un intérêt pour ce que je fais. Je participe à des conférences de presse, des expositions… Mes aïeux, c’était un projet spécial, tellement charmant et tellement libre, un cadeau du ciel. Ce n’était pas comme une commande pour un magazine. J’étais très libre artistiquement.
Vos BD sont clairement autobiographiques, je suppose que le choix des prénoms était donc très important. Comment avez-vous procédé?
Dès le début, j’ai changé le nom de tout le monde par respect des gens. Par exemple ma blonde Carole, je préfère l’appeler Lucie. Je suis plus à l’aise et elle sait que ce personnage n’est pas exactement elle. Par contre, j’avais laissé le vrai nom de ma fille, puis je l’ai changé. Comme cela je suis plus libre.
Quels sont vos projets?
En ce moment, je travaille sur une autre BD. Ça occupe pas mal mon temps. J’écris à peu près une page par jour. C’est le septième album. Je ne sais pas encore le titre. J’attends aussi l’avis de l’éditeur, mais ça sera encore surement Paul «fait quelque chose…».
Article publié le 16 janvier 2010 dans le Courrier Ahuntsic (Montréal).